Dans les organisations, les changements sont fréquents et constituent pratiquement une donnée permanente. Petits ou grands, ponctuels ou durables, ils nécessitent d’être accompagnés pour être correctement mis en place. Ainsi les changements de process doivent être suivis par le management, les changements techniques par des spécialistes et d’autres comme les changements de comportements par des coachs d’organisation.
Ceux qui nous intéressent ici, évolutions d’attitudes et comportements, présentent une difficulté particulière. Celle de pouvoir être plus ou moins bien acceptés par la population à laquelle ils s’adressent. Agir de façon collective plutôt qu’individuelle, fonctionner sur un mode coopératif plutôt qu’en silo, ou évoluer vers un modèle responsable à partir d’un modèle hiérarchique, pour ne citer que ces exemples, constituent de tels changements de paradigme qu’on imagine aisément que le corps social puisse y résister. Si on prend par exemple l’absence de coopération, non seulement la culture de l’entreprise est construite sur ce modèle mais nombre de collaborateurs partagent cette manière individuelle et territoriale de voir les choses ; et ils y ont pris leurs habitudes.
De tels changements touchent d’un seul coup trois organisateurs du comportement :
– la personne, d’un point de vue psychique,
– les façons de faire, habitudes enracinées dans la culture,
– et le modèle d’organisation (services, sites, groupes d’appartenance).
C’est toute la complexité du coaching d’organisation que de s’adresser à des niveaux aussi différents : intra-individuel, habitudes de fonctionnement et organisation.
Du point de vue de l’individu, cette complexité est faite de pouvoirs, de droits acquis, d’antagonismes, de représentations et de valeurs.
Du point de vue de la culture d’entreprise, la diversité de paramètres concernés n’est pas moindre : elle constitue une trame de coutumes, d’habitudes et d’interactions qui se trouvent percutées par la transformation. Parfois le changement atteint même la logique du métier de l’entreprise (changement de technologie) ou celle de la culture nationale originale de l’entreprise. Il touche alors des valeurs historiques (on a toujours fait comme cela) et peut se heurter au point aveugle de l’organisation (ce qu’elle ne sait pas qu’elle ne sait pas).
Quant à l’organisation de l’entreprise elle-même, c’est une structure qui fait rempart aux transformations. C’est là que les clivages et les cloisonnements les plus anciens sont cristallisés. Des antagonismes profonds y sommeillent et organisent l’entreprise de façon occulte : entre les techniciens et les ingénieurs, les allemands et les français, ceux de l’Ecole Boule et ceux de Sciences Po, etc.. Autant de façons de penser.
Nous venons de voir les causes de résistances, regardons maintenant leurs manifestations. Ce qui fait résistance sont des rigidités, des inerties (difficultés d’apprentissage) ou des différences de valeurs. Ces manifestations peuvent être aussi bien individuelles qu’institutionnelles. Elles se traduisent dans des défauts d’agilité de l’entreprise, des contestations de la pertinence ou de l’utilité du changement, des oppositions quant à la méthode utilisée, à l’objectif visé ou vis-à-vis du leader chargé de la mission. Sans omettre les égoïsmes tel le syndrome Nimby (pas de ça dans mon jardin).
Si l’acceptabilité est si complexe, c’est que certains changements majeurs touchent à tout l’équilibre de la personne physique ou morale. Il va falloir en effet changer ses habitudes, accepter de nouvelles valeurs, remettre en question des représentations, faire bouger des rapports sociaux, se projeter dans une nouvelle logique, peut-être même perdre des prérogatives et enfin… faire confiance dans la mise en œuvre.
On mesure ainsi à quel point sans prise en compte de l’acceptabilité, il n’y a point de de coaching d’organisation.
Olivier Devillard